Écologie/Philosophie/Dette nature

Publié le par Yves Donze

“Jour du dépassement”: l’humanité vit à crédit"

À compter du 13 août 2015, l’humanité vit au-dessus de ses moyens, consommant plus que ce que la Terre est capable de régénérer, selon une ONG comptabilisant notre empreinte écologique

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Climat, Changement climatique, Dette,Environnement

Depuis le 13 août 2015, l’humanité vit à crédit, au-dessus de ses moyens. À compter de cette date, notre consommation puise dans les stocks de ressources naturelles et augmente l’accumulation du CO2 dans l’atmosphère, creusant un déficit écologique.

Chaque année L’ONG Global Footprint Network calcule ainsi le jour du « dépassement », où la consommation excède ce que la nature est capable de régénérer sans entamer son capital. Fixé approximativement à la mi-novembre dans les années 1980, en octobre dans les années 1990, en septembre dans les années 2000, ce « Jour du dépassement » (Overshoot day) est fixé en 2015 à la date symbolique du 13 août.

Pour le philosophe Dominique Bourg, membre du comité de veille écologique de la Fondation Nicolas-Hulot et auteur de Le Développement durable (Gallimard) : « L’enjeu est d’abord métaphysique et moral. L’humanité est confrontée à la finitude : le pétrole conventionnel, bientôt le gaz, les minéraux, les ressources biotiques, par endroits l’eau douce… Nombre de ressources indispensables à la croissance sont concernées. Nous qui avons cru en l’infini sommes désormais confrontés à la finitude tous azimuts. Le projet moderne prétendait s’appuyer sur la maîtrise de la nature pour ouvrir un horizon de reconnaissance mutuelle universelle. On est loin du compte. »


Dette

On est d’autant plus loin du compte que nous existons à crédit près de la moitié de l’année, creusant une « dette écologique » qui hypothèque notre avenir. Dette envers qui et à quel prix ? Qu’elle soit économique ou écologique le dette est « ni plus ni moins, la structure morale et métaphysique première de notre culture, rappelleAlexandre Lacroix. S’endetter n’est possible que si l’on a une vision linéaire du temps. Si l’on pense que l’Histoire est cyclique, qu’elle est marquée par le retour perpétuel des mêmes maux, alors il serait totalement irrationnel de prendre des paris sur l’avenir. Chaque fois qu’on accorde ou qu’on demande une créance, on accomplit un acte de foi. On suppose implicitement que l’écoulement du temps est tendu vers une amélioration. »

De fait, nous ne parlerions pas de dette si nous n’avions pas l’espoir d’une issue, d’un progrès. Jean-Pierre Dupuy poursuit :« Philosophiquement, il est très difficile de fonder un devoir vis-à-vis de l’avenir. Je propose de renverser la perspective d’une façon presque égoïste : c’est nous qui avons besoin de l’avenir. Car si les portes de l’avenir nous étaient fermées, c’est tout le sens de l’aventure humaine passée et présente qui serait réduit à néant. »


Attention

Alors, avons-nous raisonnablement une chance d’honorer cette dette et d’en freiner l’expansion ? Alors qu’une grande conférence sur le climat est prévue à Paris dans quelques mois, le militant écologiste George Marshall, fondateur d’un réseau de sensibilisation et d’information sur le climat, s’inquiète: « le problème avec le changement climatique, c’est que nous sommes confrontés à deux registres attentionnels différents. La partie rationnelle, analytique, de notre raison nous dit que le changement climatique est dangereux ; mais la partie affective de notre raison ne reçoit pas les signaux nécessaires pour ressentir ce danger. Nous savons que cette chose est dangereuse, mais nous ne la ressentons pas comme telle. Nous résolvons cette tension en cessant de prêter attention au problème. »

Si l’alerte lancée chaque année par Global Footptrint Network présente des approximations et suscite des réserves, elle nous enjoint cependant à prêter une attention soutenue à ce problème toujours plus pressant. Une planète et demie serait aujourd’hui nécessaire pour assumer durablement les besoins des Terriens pendant un an. À ce rythme, probablement deux, avant 2030.

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